Pierre Morel

Journal de bord réflexif, intime, et politique

Un nouveau boîtier

Dans un cinéma parisien, projection des bandes-annonces, ici le film Ricky de François Ozon.

J’ai depuis le 29 décembre 2008, un appareil Canon EOS 5d mark 2, acheté 2395 euros TTC chez Objectif Bastille. J’ai pu enfin avoir ce boîtier reflex entre les mains après plus d’un mois d’attente sur la date de livraison initialement prévue et près de 3 mois après l’annonce, en grande pompe, de sa sortie par le constructeur japonais.

Je ne ferai pas ici un test complet de ce boîtier, pas plus que je ne vous présenterai des vidéos ou des images en haute définition réalisées avec le 5d mark 2. J’en ai mis 2 petites de ces derniers jours à Paris mais je n’ai pas eu l’occasion de photographier d’avantage pour cause de grippe. Qu’à cela ne tienne, d’autres billets de ce blog seront plus riches en images !

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Les attentes sont nombreuses sur cet appareil qui a fait couler énormément d’encre (ou user des claviers devrait-on dire) et ce, bien avant l’annonce de la sortie où les rumeurs allaient bon train pour savoir quel boîtier allait pouvoir succéder au très bon Eos 5d qui, en son temps, avait marqué l’avènement des capteurs plein format dans un appareil dit expert.

Bien que je sois l’un des premiers à suivre l’actualité du 5d mark 2 et à regarder les images tests qui ont fleuries après sa sortie, je voudrais dénoncer l’acharnement excessif et complètement fou dont font preuve les photographes et non-photographes sur les forums internet et dans nos discussions.

Parce qu’il aurait eu un capteur trop grand (21millions de pixels), que la vidéo ne ferait plus de lui un appareil photo ou qu’il a des points noirs sur certaines de ses images dans des conditions particulières (corrigé avec un firmware), le 5d mark 2 a fait l’objet de très vifs débats sur le web où les participants passent leur journée à argumenter et contre argumenter sur les avantages et inconvénients de ce boîtier.

Cet passion altruiste (personne n’a d’actions chez Canon ou Nikon, les gens font ça bénévolement) à défendre telle marque ou tel appareil et à descendre les autres me laisse pantois. Surtout quand elle se fait à renfort de courbe de bruits, crop d’image à 100% et autres logiciels sophistiqués.

Ces discussions me plongent d’autant plus dans le désarroi quand je me rends compte que sur le terrain (en dehors du web), les gens ont les même réactions à propos de votre matos : cool ça fait de la vidéo ?! le mien est mieux ! c’est combien de millions de pixels ?

L’analyse technique d’un appareil, pointer ses faiblesses et de ses qualités participe inévitablement à l’amélioration du produit ou à son appréciation mais je me demande bien quel est l’intérêt de prouver que c’est en ayant un Canon 1ds mark 3 ou un Nikon D700 qu’on aura le plus de chance d’obtenir le World Press ?

Si je porte ma critique sur la technique c’est parce que nous savons tous que ce n’est pas l’appareil qui fait le photographe et que tous les boîtiers actuels sur le marché se valent plus ou moins et permettent de produire (ou pas) des images de qualité à même de toucher les gens. J’ai commencé sérieusement la photographie avec un Canon 350d équipé d’un zoom Canon EF 18-55mm (décrié à sa sortie sur tous les forums). Cela ne m’a pas empêché d’apprendre la photo et de partir couvrir les actions anti G8 avec cet appareil. J’ai pu gagner un prix et faire une expo avec des images issues de ce reflex grand public à 8 millions de pixel. Si bien que sur les tirages d’expos des gens se demandaient si c’était de l’argentique tellement la qualité des tirages était satisfaisante.

C’est pour ça que le débat technique sur les images n’a plus aucun intérêt à part pour quelques utilisations très pointues de la photographie (mais qui en a vraiment besoin ?). Qui plus est, on le voit sur Flickr où l’on peut faire des recherches par appareil : avoir un gros boitier n’implique pas de savoir s’en servir. Il y a un lot important de photos ratées, sans intérêts ou mal retravaillées sur les logiciels. Ces derniers jouent un rôle important sur la qualité : avec l’ajustement de quelques curseurs on dénature ou on enjolive très vite la qualité brute d’une image et les différences entre appareils s’estompent, de fait, à vitesse grand V.

Je ne parlerai donc pas de qualité d’image pour ce 5d mark 2 parce que je ne supporte plus ces débats stériles et sans fin (car les réflex évolueront de toute façon). Je préfère les laisser aux passionnés techniques des forums qui trouvent leur consécration dans la réalisation matérielle de leur fantasme et dans la défense de ceux-ci plutôt que dans la pratique de la photographie. Ce qui nous réuni non ?

J’espère qu’un jour, on arrêtera de parler de matos, courbes, niveau de bruit, piqué mais d’image et rien que d’image, ce qu’elles nous apportent, comment elles nous questionnent. C’est le message que je porte aux photographes ou non photographes qui me lisent. Oubliez la technique et le matériel, contentez-vous de votre boîtier et déclenchez.

Vous n’êtes pas convaincu ? Allez voir l’article de Rob Galbraith où Alex Majoli de l’agence Magnum explique avec quoi il travaille.

Mais, je l’ai dit plus haut, je suis attaché au matériel et je m’y intéresse de près. C’est aussi mon rôle de professionnel de la photographie qui m’incite à chercher le meilleur (tout en relativisant) pour mon utilisation. En tant qu’utilisateur régulier d’un appareil photo, j’ai pu pointer quelques désagréments à l’usage de celui-ci et l’achat d’un nouveau reflex est là pour combler ses défauts.

Leila sous l'Arc de Triomphe de Paris, le 1er janvier 2009

Je dispose depuis septembre 2007 d’un Canon Eos 1D mark 3 qui est venu remplacer mon Canon eos 350d. Le changement a été radical et c’est surtout au confort d’utilisation que je me suis rendu compte de l’intérêt d’un boîtier professionnel : viseur 100% et lumineux, batterie longue durée, appareil configurable, tropicalisation, etc.

Le 1d a cependant le gros désavantage de ne pas passer inaperçu et sur le terrain je ne supporte plus les regards et discussions des gens sur ce gros boîtier qui les impressionne tant. La discrétion est  indispensable pour un photojournaliste, surtout quand on va dans des milieux peu habitués à notre présence. Avoir un petit boîtier, sans perdre en qualité d’utilisation, me parait inévitable. Mon choix s’est porté sur le 5d mark 2 car il conjugue un capteur plein format, une taille acceptable et un prix correct (1000€ moins cher que le 5d à sa sortie!). Par rapport à son prédécesseur, le 5d mark 2 apporte aussi des évolutions indispensables : anti-poussière (très efficace), gestion des isos élevés, tropicalisation partielle, etc.

Dans un soucis de discrétion et de cohérence photographique, j’ai aussi opté pour des focales fixes. J’ai investi dans le Canon EF 28mm 1.8 USM et je compte l’utiliser en binôme avec mon Canon EF 50mm 1.4 USM. Plus petit et plus léger que des zooms grand angle, les focales fixes ont aussi l’avantage d’être plus lumineux et nous incite à nous déplacer pour photographier. Cette contrainte de mouvement est à mon sens bénéque dans la pratique car on tourne d’avantage autour du sujet, on rentre mieux dedans. 😛

C’est aussi le premier appareil que je me paye avec l’argent de mon labeur, autrement dit grâce à des commandes photographiques antérieures. C’est une satisfaction personnelle que d’avoir pu réussir à vivre de ce métier et à réinvestir dans de nouveaux outils pour le pratiquer.

Dans le détail du 5d mark 2, voici quelques points qui retiennent mon attention :

– Les hauts Isos : à 12800Iso et 25600Iso, on a un bruit sur les images peu exploitable. En reportage sur un mark 3, je ne monte pas à plus de 2000Iso et quelques rares  fois à 2500Iso . Avec le 5d mark 2, je place cette limite à 4000Iso et parfois je m’autorise du 6400Iso dans le cas d’une scène importante. Cela représente une avancé notable pour quelqu’un comme moi qui ne travaille pas en flash et qui apprécie pouvoir photographier la nuit ou dans des univers avec très peu de lumière. La limite de 25600Iso sera très certainement dépassé dans quelques temps. Elle montre simplement que les sensibilités ISO des appareils vont continuer d’augmenter, il s’agit d’une sorte de repère. La fonction Iso automatique apparue sur le 5d2 est à ce titre révélatrice : elle montre que la sensibilité ISO est devenue un paramètre essentiel à la prise de vue. Il est du même ordre que la vitesse d’obturation ou l’ouverture.

– Le viseur : beaucoup plus grand que celui du mark 3 (car capteur 24/36) : je suis ravi de travailler avec de la place pour l’œil. C’est vraiment agréable. Je dois cependant réapprendre, comme sur le 350d, à cadrer approximativement car le viseur ne couvre que 98% du champs, contrairement à celui du mark3 qui est à 100%.

– La batterie : Le chargeur est de taille raisonnable, la batterie tient moins longtemps que celle du mark3, comptez environ 800 vues. Le live view et la vidéo  font fortement diminuer l’autonomie. Je vais rester avec une seule batterie, on verra bien ; j’ai fonctionné avec des conditions plus difficiles avec l’unique batterie du 350d, pourtant moins autonome.

– La vidéo, la fameuse : Je suis pas un pro de la vidéo, ce n’est pas mon métier et ce ne le sera pas pour l’instant. Ceci dit j’ai suivi et testé avec intérêt cette nouvelle possibilité offerte par l’appareil. Au niveau de la qualité des images, c’est vraiment très beau à voir. Le fait de pouvoir utiliser des optiques photo offre plein de possibilités de création. Mais qu’on se le dise : cette appareil n’est pas une caméra, l’autofocus est inopérant lors de la prise de vue et l’ouverture des objectifs est bloquée à la valeur maximale. Ils font donc jouer de la bague de mise au point avec précision. (ce n’est finalement pas si dur).

Quels usages ? Si la qualité d’image est là, l’utilisation et le son (micro externe recommandé) ne sont pas à la hauteur, et c’est normal. Le 5d est heureusement pensé pour être tenu comme un appareil photo. Une caméra implique une autre prise en main et filmer une autre temporalité et un autre placement dans l’espace. Pour ma part, ce mode sert  juste à produire de belles images de temps en temps et à faire quelques plans fixes qui pourront s’intégrer dans des productions multimédias. L’utilisation d’un pied ou d’un support en dur est nécessaire pour filmer correctement. Ce n’est pas bon pour faire de la vidéo de reportage mais tout les prochains reflex sur le marché feront de la vidéo. C’est sur.

– L’écran arrière : Sans commune mesure avec tout ce que j’ai pu voir jusqu’à aujourd’hui : un vrai régal au niveau de la qualité d’affichage (mieux que celui du mark 3), de belles couleurs, vives (trop peut être) ? l’écran se règle automatiquement sur 3 niveaux différents selon la luminosité ambiante. On a un vrai confort de visualisation des images et les détails sont visibles. Ce qui est un atout pour avoir confirmation de l’exactitude de sa mise au point. Ce n’est pas possible avec le mark 3 par exemple.

– Les tailles d’image : le capteur de 21 millions pixel fait craindre à beaucoup des fichiers trop lourd à stocker et à traiter. Cela ne m’inquiète pas et les évolutions des capacités de stockage des cartes mémoires et disques durs sont plus rapides que les tailles des capteurs. Je travaille uniquement en format Raw et je n’ai pas prévu d’utiliser le mode SRaw qui permet d’enregistrer les images avec 10 ou 5 millions de pixel. Les fichiers originaux font en moyenne 25Mo. J’ai équipé le 5d mark 2 d’une carte Compact Flash Sandisk Extreme III de 8Go et je ne constate aucun ralentissement lors d’enregistrement d’image ou de vidéo. Voir ici pour des tests de cartes avec cet appareil. S’il est vrai que sur mon pc portable, le classement des images avec Expression Media ou Lightroom est un peu plus long, le traitement n’est pas ralenti significativement et reste acceptable. Avoir 21 millions de pixel est un gain appréciable car cela permet de très (très) grand tirage et des recadrages. On a plus de latitude pour travailler l’image.

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Aujourd’hui je me retrouve donc avec 3 boîtiers. Mon 5d mark 2 devient mon boîtier principal que j’emmène presque partout, je m’en sers pour la majorité des mes reportages. Le 1d mark 3, me sert pour les photos de ski ou de snowboard (meilleure autofocus, meilleur batterie, meilleure rafale et meilleur prise en main). Dans de nombreux reportage je travaillerai avec ces 2 boitiers : c’est un avantage, notamment en news où l’on passe très vite d’une situation à une autre (arrivée d’un ministre, puis montée sur la tribune par exemple). Avoir un grand angle sur mon 5d mark 2 et un télézoom (mon 70-200mm) sur mon 1d mark 3 permet un gain de temps considérable et évite d’avoir à changer ses optiques sur le terrain. On s’évite les choix cornéliens qui nous font hésiter entre telle ou telle focale, ici on en a 2 sous la main. De nombreux photojournalistes fonctionnent comme ça, certains ont même 3 voire 4 boitiers avec eux. Je réserve cependant cette double utilisation qu’aux situations d’actualité ou d’évènements où la discrétion n’est pas fondamentalement importante. Enfin je garde mon 350d pour le prêter à des amis où m’en servir lors de soirées trop arrosées.

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Pour finir, je vous renvoie vers quelques tests ou démonstrations de ce qu’il est possible de faire avec un 5d mark 2. Tout d’abord en vidéo, le travail de l’américain Vincent Laforet sur son blog et celui de Richard Walch sur le site de Canon. A voir aussi le test de Jean François Vibert de Mac&Photo et celui de Niels Ackerman sur son blog personel.


Commentaires

10 réponses à “Un nouveau boîtier”

  1. Article très intéressant sur vos appareils utilisés. On parle souvent de technique au début mais ce n’est pas le plus important dans la photo. Je préfère passer plus de temps au déclenchement qu’à la technique.

    Yannick

    P.S: j’ai vu vos articles dans réponses photo sur le G8 (bravo pour le reportage).

  2. Salut Fabien,

    Si tu aimes la photo de rue, effectivement le G9 (ou G10) est un très bon appareil. Surprenant qu’il est rendu l’âme par ailleurs. Il a une réputation de solidité par rapport aux autres compacts numériques.

    Ceci dit, un petit reflex (dans le style 450d ou 500d) chez Canon, couplé à un objectif de taille réduite (en focale fixe, pourquoi pas), permet de rester particulièrement discret pour la photo de rue. C’est une question de pratique.

  3. Merci pour cet article qui ne m’en dit pas plus sur mes hésitations, mais me rassure sur l’approche à avoir sur le choix d’achat d’appareil.

    Je suis attaché au streetshot et mon G9 a rendu l’âme… le choix d’un reflex se pause.. ?

  4. Merci pour cette joulie photo. Et surtout merci pour ce bon moment a Paris passé avec toi pour le jour de l’an.
    Bisous

  5. J’adore la manière dont tu as fait un lien vers moi, merci.
    Et profite bien du nouveau reflex.

  6. Il l’a! Je me demandais justement où t’en étais. J’attends toujours le mien commandé sur un de ces sites où il coûte moins cher que dans les boutiques. Si la différence n’était pas toujours très élevée (et si j’avais pas de toute façon des exas entre temps), je crois que j’aurais fini par craquer et l’acheter en magasin. Avec un peu de bol, le bébé arrivera juste à la fin de mes exas ^^.

    j’ai hâte de voir ce que tu en tireras. : )

  7. Je ne saisis pas tout à fait le style de Volcker Gilbert mon cher Antoine ?!

  8. Pas mal, cette réinterprétation cinématographique du style Volcker Gilbert 😀

  9. Il est certain que avec les boitier grand publique on peu faire déjà de très belles photos , cela fait 7 mois que j ai mon Sony a 100 et je me fait très plaisir , mais un bon objectif améliore encore plus les choses ;passer du 18-70 Sony incorporé au kit à un 18-135 sigma qui est beaucoup plus « passe partout » et vraiment d’une qualité supérieur .
    @++ et amuse toi bien avec ton joujou que l on puisse suivre l actualité vue d un autre œil .

  10. Ah ah, La « grippe » (la fameuse) te rend donc plus loquace sur tes billets… Merci pour ton analyse, je la partage!
    A une prochaine … peut etre vers la bas!
    Matt

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